La place de l'ostéopathie dans le paradigme de la santé en France
L’ostéopathie est une pratique exclusivement manuelle dont le but est de pallier aux dysfonctionnements de mobilité des tissus du corps humain. Cette discipline a récemment été classifiée par l’OMS comme une médecine alternative et complémentaire (MAC) qui s’inscrit dans un processus de professionnalisation international aboutissant à l’acquisition de différents statuts selon les pays.
Aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Suisse, cette MAC bénéficie d’un statut de profession de santé de première intention comparable à celui de la médecine, alors qu’en Belgique, elle est considérée comme une médecine de deuxième intention soumise à conditions.
En France, ce processus de professionnalisation défini est en cours depuis 1960 : longtemps considérée comme un exercice illégal de la médecine, l’ostéopathie a été reconnue par les pouvoirs publics en 2007. Aujourd’hui cette démarche permet de définir l’organisation non pas d’une profession mais d’un titre puisque les membres de différentes professions (médecins, sage-femmes, masseurs-kinésithérapeutes et infirmiers) ainsi que des personnes n’appartenant pas à l’une des professions réglementées par le code de la santé publique (les ostéopathes dits « à titre exclusif ») peuvent pratiquer l’ostéopathie.
Outre l’organisation du titre d’ostéopathe, les décrets confient au professionnel la qualification de la limite de son champ de compétences, dispositif particulier puisque l’ostéopathe, consultant de première intention, peut potentiellement être amené à poser le diagnostic d’une maladie organique non diagnostiquée (assimilable à un exercice illégal de la médecine) afin de pouvoir se déclarer incompétent tout comme la réglementation l’impose. Selon Dahdouh et Carbonaro :« [L’ostéopathe] est tenu de l’obligation de poser un diagnostic différentiel fiable de manière à exclure la nécessité d’examens para cliniques (…), il doit présenter à son patient les soins qu’il peut prodiguer à raison de son état et lui expliquer les risques inhérents aux manipulations qu’il est autorisé à pratiquer ».
C’est probablement cette place particulièrement importante occupée par l’ostéopathie exclusive dans les pratiques sociales de la santé en France qui lui a permis d’obtenir une forme de réglementation de la part du législateur.
Dans quelle mesure ce processus de professionnalisation, toujours d’actualité, permet de voir émerger une profession médicale exclusive, autonome, de première intention et non subordonnée à la médecine? Comment cette professionnalisation peut aboutir à l’avènement d’une profession médicale conciliant sécurité et efficacité thérapeutique et capable de fournir des preuves scientifiques, objectives de la résolution de ce paradoxe?
L'analyse de ce processus de professionnalisation peut se faire à travers le prisme de la gestion de l’incertitude telle que défini en sociologie de la santé, à travers la connaissance des critères socio-juridiques de l’ostéopathie et des relations avec le monde médical. Il faut aussi souligner l’importance de la formation et potentialiser le paradigme de l’apprentissage de l’ostéopathie grâce à l’acquisition de la compétence professionnelle ostéopathique, à la sensibilisation à l’incertitude, au risque grâce au milieu hospitalier et à l’analyse de l’erreur grâce à la didactique professionnelle.